News: L’artiste d’art plastique Laetitia Ky s’interroge sur la mobilité africaine à l’échelle internationale
C’est sur ses comptes sociaux officiels que qu’elle a partagé son point de vue.
NAITRE AVEC LE MAUVAIS PASSPORT, QUELLE MALEDICTION.
Récemment, le président de Miss Universe a dit quelque chose qui a choqué beaucoup de gens.
il a déclaré qu’il est impossible pour la Côte d’Ivoire de gagner Miss Universe à cause de notre passeport qui est “mauvais.”
Selon lui, notre passeport demande des visas pour plus de 175 pays et Miss Universe doit voyager. Il a dit que si Miss Côte d’Ivoire gagnait, elle passerait son année enfermée dans un appartement parce qu’elle ne pourrait jamais voyager.
ce qui m’a touchée le plus, c’est à quel point tout ça m’est familier.
En tant qu’artiste ivoirienne, je galère avec les visas depuis que j’ai commencé ma carrière. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai pleuré parce que je n’avais pas le temps de faire un visa.
Etre artiste demande de la spontanéité. Parfois on te dit “On a besoin de toi la semaine prochaine” alors que tu sais qu’il te faut au moins une semaine juste pour préparer tous les papiers pour l’ambassade.
Ensuite ton passeport reste là-bas des semaines. Et quand ils te donnent enfin le visa, parfois ils te donnent trois jours seulement.
C’est comme ça que ta propre nationalité devient la raison pour laquelle tu ne peux pas réussir.
J’ai l’impression que le monde entier est construit pour que nous, Africains, restions derrière.
Pour voyager en tant qu’Africain, même juste pour découvrir un autre pays, il faut être riche ou exceptionnel. Il faut prouver que tu ne vas pas “rester” dans leur pays.
Le simple droit humain de voir le monde ne nous est pas donné.
On doit être extraordinaires pour faire des choses que d’autres font sans réfléchir.
Et même quand tu es exceptionnel, même quand tu travailles dur, même quand on t’invite, ils peuvent encore refuser. Parce qu’au fond, tu restes une menace.
Ce sujet, c’est toute ma vie. La rage que je ressens quand j’en parle est énorme. C’est une injustice mondiale.
Pour montrer à quel point c’est profond : quand je dis à un autre artiste africain qui vit à l’étranger que j’ai seulement le passeport ivoirien, il me dit tout de suite “Oh mon Dieu, je suis désolé.” Tout de suite. Il sait. Il a vécu ça avant.
Mais quand je dis ça à un Européen ou un Américain, ils sont choqués. Ils disent “C’est vraiment si difficile pour vous de voyager ?” Ils ne réalisent pas. Ils pensent que c’est simple.
La différence est énorme.
Combien de scientifiques, d’étudiants, d’artistes africains ont dû refuser des opportunités incroyables à cause de leur passeport ? Parce qu’on ne les voit pas comme des talents mais comme des risques.
Et il y a autre chose que les gens ne comprennent pas.
Quand je dis que j’ai besoin d’un visa, certains amis européens me disent “Moi aussi j’ai besoin d’un visa pour venir dans ton pays”, comme si c’était pareil. Ce n’est jamais pareil.
Leur procédure est simple, rapide, acceptée. On ne les questionne pas. On ne les suspecte pas.
Ils sont libres partout.
Mais quand nous on applique, ça devient une guerre psychologique. On nous interroge. On nous juge. On nous humilie quelques fois… On doit justifier tous les details de notre vie.
Eux sont les bienvenus partout. Nous, on est la menace partout.
Je suis fière de mon pays, mais je ne vais pas mentir : beaucoup de fois j’ai pleuré et j’ai détesté être née avec un passeport qui me bloque.
Le sentiment de mendier, L’humiliation, Le stress à l’aéroport où on te regarde comme quelqu’un qui ne va jamais rentrer chez lui. Ça détruit mentalement.
Les gens aiment faire semblant de soutenir le développement africain, mais tout est fait pour qu’on reste pauvres.
Et en disant tout ça, n’oublions pas : je fais partie des chanceuses. J’ai construit un nom, j’ai une visibilité, j’ai des gens qui m’aident. Pour moi, c’est déjà plus facile.
Mais les autres ? Ceux qui ont du talent, des rêves, de l’intelligence, mais aucune plateforme ?
Qu’est-ce qu’ils deviennent ?
Avoir certaines nationalités, c’est comme avoir des chaînes invisibles. Je n’en parle pas souvent, parce que ça peut sonner comme si je n’aimais pas mon pays, mais un de mes plus grands rêves, c’est d’avoir une deuxième nationalité juste pour être libre de bouger. De travailler. D’exister.
Miss universe montre quelque chose de profond : même quand tu es excellente, même quand tu brilles plus que tout le monde, ta nationalité reste un problème. Le monde te voit toujours comme “moins”. Pire, on te fera croire que tu as les memes chances que tout le monde pour que tu t’investisses pour au final ne jamais avoir de retour.
Je suis tellement reconnaissante envers ceux qui travaillent avec moi malgré toutes les procédures que ça leur impose. Grâce à eux, je construis quelque chose dans ma vie.
Mais chaque jour, je pleure aussi pour les milliers de jeunes Africains qui ne peuvent pas bouger, pas rêver, pas saisir les opportunités simplement parce qu’ils sont nés avec le “mauvais” passeport.
LK
