Djangui s’invite en terre belge pour son lancement officiel

Culture

Djangui s’invite en terre belge pour son lancement officiel 

Par : Junior King Ondoua 

La résidence de l’ambassadeur de Belgique son excellence Monsieur  a accueilli  la 23 mai 2025. Jour 2 de la représentation de la pièce, Manoka Express, écrite et mise en scène par Martin Ambara. C’est l’une des grandes affiches culturelles du week-end dans la ville de Yaoundé.

 

J’ai manqué le spectacle du jeudi 22 mai du fait que c’est un jour de bouclage au quotidien Mutations. C’était impératif d’être présent à la deuxième représentation. Moult questionnements ont taraudé mon esprit le 21 mai dernier après le point de presse modéré par le journaliste culturel, Parfait Tabapsi ; et au cours duquel le metteur en scène s’est cassé en mille morceaux pour mettre les journalistes au même niveau de compréhension de Manoka Express. Surtout que comme dans la pièce, Nnang Ndenn Bobo (représentée six fois en avril dernier), inspirée d’un texte de René Philombe, le même metteur en scène nous entraîne dans son univers esthétique (bio rythmique, post dramatique…) ; toujours avec son imaginaire où le mythe et le réel se rencontrent pour créer un choc émotionnel dans l’esprit et la chair des spectateurs.

 

Je débarque à Othni plus tôt (19 h 30 par-là, pour un spectacle programmé à 20 h). Le portail recouvert d’un tissu sombre est fermé. Sur un format A4, il est écrit : « Manoka Express, un instant ». J’ai trouvé le gardien de nuit de la bâtisse concentré sur son téléphone. Il hoche juste la tête quand « je pose la réponse c’est fermé svp » ? Une autre personne arrive. Un groupe de deux, trois personnes arrive. En l’espace de 20 minutes, l’entrée grouille de spectateurs. Les riverains qui passent cherchent à comprendre si un incendie s’est déclaré là ou si quelqu’un y est décédé.

 

Les sons de tam-tam, tambour, castagnette, cloche et autres instruments de percussion retentissent. Je réalise que le spectacle de chacun commence au moment où il arrive dans les périmètres de Othni. Le mien a commencé en chemin.

 

Nous entrons en file indienne. Chacun se trouve un espace où il peut identifier le faciès des acteurs qui jouent aux instruments dans le noir. ça sonne cacophonie. Mais en réalité c’est des polyrythmiques qui se rejoignent dans un point de tension lancé par la cheffe d’orchestre. Ce « tintamarre » a duré près de 30 minutes. C’est en fait le rituel du Ngondo. Le chef du canton demande aux musiciens d’aller au lieu où les cérémonies vont se dérouler. Ils continuent de jouer sur un rythme, avec le même tempo, sans balbutier pendant près de 30 minutes encore.

 

Dans la salle, la scénographie saute à l’œil. La scène est une espèce de fond d’un océan truffé de squelettes humains (depuis la traite négrière jusqu’à l’élimination des résistants pendant la période coloniale).

Les acteurs Nota Kemmala, Katch Will, Joys Sa’a, Donald Ayissi, Landry, Beyeme, Oumarou Hamadjangui, Jessica Mengue, Joseph Kadjinadar, Hervey Keedi, Justin Nkoa, Amélie Beukou, jouent sans s’économiser. Les spectateurs sont choqués par l’histoire qui se raconte : la rencontre d’une petite fille vivant seule et abandonnée sur l’île Manoka. Une sirène surgit et la charge d’une d’aller dire aux habitants de la berge que le fond de la mer est infesté de squelettes. De fait, leur sanctuaire, le Mutangari, est souillé. Il faut nettoyer le fond de l’océan de toute urgence. C’est dans cette mission ardue que la petite découvre qui elle est véritablement.

Martin nous Ambara(sse). Il est très difficile de dire quand la pièce commence. A un moment, les régisseurs son et lumière, Rosine Nkem et Roch-Amedet Banzouzi (venu de Paris), mettent la lumière vive. Qu’est ce qui se passe ? Les acteurs se querellent à cor et à cri ; tout près d’en découdre avec les mains. On entend d’eux des « camerounaiseries : ça a cuit, je wanda » ; et la scène de bagarre se referme. Cette débandade a réveillé la seule personne ((un homme de théâtre) qui somnolait. Il est difficile de somnoler dans un tel spectacle qui emprunte à toutes les expressions artistiques : danse, musique, chant pour bercer, art plastique, cinéma en direct, littérature (roman, poésie, essai).

 

 

Martin Ambara n’est pas normal. Il casse les codes de tout et sur tout. On voit les théâtres ; expérimental, invisibles, classiques et même de rue dans une seule mise en scène. C’est trop pour nos faibles cerveaux. Tout ça pour nous raconter notre histoire. Il est vrai que même les habitants de l’arrondissement de Manoka, département du Wouri, région du Littoral (en majorité des Nigérians) n’ont pas conscience de cette page noire d’une des histoires du Cameroun. Est-ce pour autant qu’il faut aller chercher dans des esthétiques complexes pour le faire savoir ?

 

A la fin, je me suis résolu à répondre à mes propres questionnements : Martin Ambara se réalise comme un artiste de l’histoire et non un historien de l’art. Je ne demande pas de le célébrer à l’absolu. Parce que le jeu d’acteur et même la mise en scène doivent être bonifiés. C’est exactement comme un coach qui gagne le match aller par pur hasard et au lieu de se concentrer sur le match retour, a peur de la remontada. Annoncée pour durer 90 à 100 minutes, la représentation a duré beaucoup plus longtemps.

 

Au-delà du sanctuaire qu’il faut purifier, il y a des restes humains et des artéfacts qui se trouvent en Europe et que le contexte actuel est à leur retour.

 

Alain Ndanga, journaliste culturel, quotidien Mutations -Cameroun

 

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