MAG : COMMENT ON DEVIENT ROI AU PAYS BAMILÉKÉ 

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COMMENT ON DEVIENT ROI AU PAYS BAMILÉKÉ 

 

 

 

 En image le roi SOKOUDJOU (Fon de Bamendjou)

Les Bamiléké constituent le groupe ethnique le plus important au plan démographique des Grass lands. Leur itinéraire migratoire reste encore entaché de floue. La plupart des traditions orales situent dans le Haut Mbam, l’actuel pays Tikar, le point de départ du mouvement migratoire d’une partie de ce peuple qui les a conduit[s] dans les hauts plateaux de l’ouest.

 

Le pays Bamiléké est constitué d’une mosaïque de petites et moyennes royaumes qui se sont formées par segmentation.

 

L’organisation socio-politique est également centralisée. Le Mfo ou Roi exerce l’autorité suprême. Il est entouré des neuf notables représentant chacun [les] pères fondateurs du royaume (les Nkamvë). Le prestige dont jouit la Reine-mère (Ma Mfo) et l’existences de nombreuses associations coutumières ou société[s] secrètes concourent au contrôle et à la canalisation du pouvoir politique exercé par le Mfo.

 

Concernant la désignation du chef, appelé le « Mfo », le « Fon », le « Fö », le « Fwa », le « Few »…

Au pays Bamiléké dans l’Ouest Cameroun, le Fö est à la tête de la hiérarchie traditionnelle. Il est Prêtre traditionnel, dépositaire des coutumes ancestrales, personnage sacré au pouvoir divin, il veille à la sécurité de son peuple. Aussi la désignation de son successeur a-t-elle toujours revêtu un caractère absolu et sacré. Si par des forces intérieures ou extérieures un usurpateur prend la place, le culte est interrompu et le pays est frappé de plusieurs malheurs. Mais le processus de succession n’est pas forcément le même partout dans l’ouest et dans le Grassfield en général.

 

Le choix du Roi :

Chez les BABADJOU dans le BAMBOUTOS par exemple, le choix du roi est un acte public. La cérémonie se déroule pendant le grand deuil du défunt Roi, selon les v�ux du souverain disparu, de celui du conseil des Neuf appuyé par les deux conseils des sept et de la Maison royale. Le conseil des Neuf reste souverain en dernier ressort et est seul à choisir le Roi, parfois indépendamment des v�ux du défunt Roi, de sa famille ou de quiconque, dans le strict intérêt de la tribu.

 

Même si l’autorité du Roi est illimitée sur son peuple au Pays Bamiléké, il vit sous la hantise de ses notables, car pris ensemble, ils ont sur le roi un droit de vie ou de mort. Ils le placent au trône comme ils peuvent l’en élim[in]er.

 

De son vivant, le chef désigne parmi ses propres enfants cinq dont le premier sera le véritable chef (Fo’o). Le deuxième, adjoint (Kouété) sera placé à la tête d’un village comme Chef ou y résidera comme une personnalité indépendante et jouera un rôle honorifique dans le royaume. Par contre, si c’est le Roi qui décède sans enfant, son Kouété le remplace.

 

Ailleurs, l’on observe pourtant des variantes à ce processus. Il semble que le premier fils du Roi ne peut lui succéder à quelque titre que ce soit. Lorsque encore vivant, le roi désigne ses héritiers, il communique leurs noms au conseil des notables qui sont tenus au secret et ne peuvent pas juger du choix fait par le Roi.

 

Rites d’arrestation du Roi et de son adjoint :

 

La désignation et l’intronisation d’un roi [chez] les baméliké sont du ressort de deux collèges de grands notables.

 

À Bangoua, c’est le premier collège composé de sept notables qui aura la lourde tâche de présenter aux populations le successeur du chef défunt. Il s’agit de Nzeu Ndjambgoung, Nzeu Tchietcho, Wafo Fanguieu, Wafo Koumkap, Wafo Keulek, Mbeu Nkajip, Mbeu Nkoubamzep.

 

Le deuxième collège composé de neuf notables qui contrôlent les différents quartiers du groupement aura à assurer la formation du nouveau roi durant son séjour au La’akam. Il s’agit de Makap Nzeutep, Mekap Lieujik, Nzeusa, Nzeu Ze, Nzeu kouo, Nzeu Tiekap, Nzeu Tekaap; Nzeu Wang, Nzeu Nkiondze.

 

Chez les Ngemba, le roi s’entoure soit des neuf, des sept ou des quatre notables; ceci varie selon les villages. Membres des sociétés secrètes, les notables gardent les secrets de la succession sur le trône. Il leur revient, après la disparition du roi, d’arrêter dans les rangs du deuil l’héritier du feu roi parmi ses propres fils, en tenant compte de la volonté du défunt. Les notables initiés le saisissent et le passent aux mains des autres qui, le ruant de coups, le dépouillent de ses vêtements. Une lutte s’engage d’autant plus acharné[e] que l’élu n’avait aucune prétention à la chaise de son père. Les ravisseurs disparaissent avec leur victime vers le la’kam (lieu de retraite de 9 semaines, d’investiture et d’initiation aux mystères du royaume) après l’arrestation du roi, on procède immédiatement à celle du NKWETCHE, son adjoint. Ils sont bien encadrés pas les « feffo » police secrète du royaume qui assure leur sécurité.

 

Ailleurs au décès du Roi, les notables n’annoncent publiquement cette mort que huit jours après. L’annonce se fait par des tambours et des coups de fusil, toute la population s’assemble au palais. Alors les grands notables (conseil des neuf) se saisissent des héritiers l’un après l’autre et dans l’ordre : Fo’o, Kouété, Sop Tsi, Kamgheu et éventuellement Mato’o ils sont présentés à la population et ramenés couverts des signes distinctifs au fond du palais hors vue de la population.

 

Les rites d’investiture :

Dès son entrée au la’Kam, on rase les cheveux du futur Roi à même le crâne, on lui répand sur la tête et les jambes le « Pho », poudre du padouk en disant : Nous, désignatifs et consécrateurs des chefs, agissant toujours selon la justice pour ce qui concerne la succession au trône du palais de ce village, t’appliquons l’onction du sacre et te nommons roi. Que si quelqu’un d’autre intervenait indûment pour te remplacer contre la volonté de ton père, qu’il paye de sa tête, ainsi un autre roi (ceci dépend des relations ancestrales) couvre le nouveau guide d’une cagoule et le fait asseoir sur le nkwo’o kedon (troncs de bananier-plantain), on lui fait avaler le Mbâp Kam (viande de noviciat) pour être puissant.

 

Chez les Bandjoun, le roi tire son autorité d’abord de sa légitimité. Il doit en effet être fils de Chef, né sur la peau de panthère, c’est-à-dire quand son père était sur le trône. Il doit avoir été choisi par le défunt roi qui a confié son nom aux « Mkamvu »(notables qui intronisent les rois). Il doit avoir été choisi et arrêté lors du deuil de son père et conduit au « La’akam » en vue d’y être initié à sa fonction de Roi et aux secrets magiques; cette légitimité lui confère l’autorité de chef. Il devient le garant de la prospérité et de la suivie du royaume.

Toute tentative d’usurpation pourrait entraîner de graves calamités pour le royaume.

Comme on le voit, tout tourne autour des notables du premier cercle. Dans l’ensemble, ils sont les véritables détenteurs du pouvoir. Hélas les réalités d’aujourd’hui font qu’un glissement s’opère au niveau du respect de la tradition, malmenée de plus en plus par ceux qui sont considérés comme les gardiens du temple.

 

Source : Je Suis Bamiléké, I Am Grassfield 2.0

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